jeudi 17 mars 2011

Le sang des Français imprégné aux pesticides

(article paru sur le site http://www.univers-nature.com)

Pour la première fois, l’Institut de veille sanitaire (InVS) a publié les mesures de concentration biologique de plusieurs polluants de l’environnement, réalisées sur un échantillon représentatif de la population française. Correspondant à des substances chimiques présentes dans l’alimentation et/ou l’environnement, 42 biomarqueurs d’exposition ont été ciblés en fonction de leur toxicité et de l’exposition possible de la population. Ils incluent 11 métaux, 6 polychlorobiphényles (PCB) et trois familles chimiques de pesticides (organochlorés, organophosphorés et pyréthrinoïdes). Au cours des années 2006 et 2007, ces substances chimiques et leurs produits de dégradation (ou métabolites) ont été mesurés dans des prélèvements de sang, d’urine ou de cheveux, recueillis chez des personnes habitant en France métropolitaine et choisies aléatoirement.

Selon les conclusions de l’étude, les niveaux d’exposition de la population française aux 11 métaux dosés sont globalement bas, et similaires à ceux observés à l’étranger. Depuis l’étude réalisée chez les adultes en 1995, la concentration en plomb dans le sang a connu une baisse de l’ordre de 60 %. La concentration de mercure dans les cheveux est, quant à elle, supérieure à celles des Allemands et des Américains, mais inférieure à celles des Espagnols. Selon l’InVS, ces écarts s’expliquent par une consommation de poisson variable d’un pays à l’autre, le poisson représentant le principal apport de mercure par l’alimentation. De fait, la consommation de poisson est deux fois moindre en Allemagne et aux États-Unis qu’en France et supérieure en Espagne.

Comparés à ceux observés en Allemagne et aux Etats-Unis, les niveaux d’imprégnation aux pesticides varient selon la famille chimique de pesticides étudiée. Ainsi, les niveaux des pesticides organochlorés, dont le DDT ou le lindane, aujourd'hui interdits pour la plupart des usages, sont jugés globalement faibles. Seule exception, une substance provenant du paradichlorobenzène, encore récemment utilisé comme antimite ou désodorisant dans les toilettes, est mesurée à des niveaux très supérieurs en France. Par ailleurs, les niveaux de PCB (1) observés dans les organismes français s’avèrent plus élevés que dans la population allemande et quatre à cinq fois plus élevés que ceux de la population américaine ou néo-zélandaise. De même, 90 % de la population est contaminée par les organophosphorés, le niveau de métabolites de ces insecticides neurotoxiques mesuré dans les urines des Français étant similaires à ceux des Allemands et supérieurs à ceux des Américains. Enfin, concernant les pesticides pyréthrinoïdes, largement utilisés en agriculture, en horticulture, en usage domestique etc., les niveaux sont plus élevés que ceux observés aux États-Unis et en Allemagne.
A la lumière de ces résultats, l’Institut a estimé que : « Les causes des écarts observés entre l’imprégnation de la population en France et à l’étranger méritent d’être élucidées », afin de déterminer si celles-ci sont dues à des apports alimentaires ou à l’usage de produits.

Fin 2012, l’InVS lancera une enquête nationale de biosurveillance en vue de suivre les évolutions par rapport aux données de cette première étude, tout en l’élargissant à une centaine de substances dosées. Seront alors intégrés des polluants émergents ou appartenant à d’autres familles chimiques, à l’instar des perturbateurs endocriniens.
Cécile Cassier

1- Nuisibles et peu biodégradables, les polychlorobiphényles ou PCB sont classés parmi les polluants organiques persistants (POPS).

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